Au cœur d’un paysage envoûtant, non loin de la pittoresque station balnéaire de Pirou-Plage, se dresse un ancien château du XIIe siècle, témoin d’un passé empreint de magie. Jadis demeure d’un puissant sorcier, seigneur des lieux, ce château renferme un secret des plus mystérieux. Les filles du sorcier, de véritables fées aux pouvoirs enchanteurs, avaient érigé cette résidence bien avant l’arrivée tumultueuse des envahisseurs normands. Cependant, leur quiétude fut troublée par l’irruption des pirates nordiques, ce qui les poussa à consulter d’antiques grimoires.
Dans un élan de désespoir, les fées décidèrent de se métamorphoser en oies sauvages pour échapper à la menace. Mais lorsque vint le moment de retrouver leur forme originelle, elles se retrouvèrent incapables de se souvenir de la formule magique qui les ramènerait à leur état initial. Depuis ce jour fatidique, chaque année, le 1er mars, leur troupeau mélancolique revient hanter les murs du château de Pirou, nichant dans les recoins qu’elles ont creusés depuis des siècles.
Un historien normand révéla une autre facette de cette légende fascinante : “Lorsqu’un garçon naissait dans la prestigieuse lignée des Pirou, les jars majestueux, déployant leurs magnifiques plumes grises, régnaient en maîtres dans les cours du château. En revanche, lorsqu’une fille venait au monde, les oies femelles, parées de plumes plus blanches que la neige, prenaient l’ascendant sur leurs congénères mâles. Si cette fille était destinée à embrasser une vie religieuse, une oie en particulier se démarquait parmi les autres. Solitaire, elle se retirait dans un coin sombre, se nourrissant à peine et murmurant des soupirs mélancoliques.”
Cependant, une seconde version de cette légende troublante émergea. En l’an 909, des pirates normands débarquèrent à Créances et assiégèrent Godefroy le Rouge lors d’une grande fête qui battait son plein à Pirou. Face à l’obligation de se rendre, victimes de la famine, le seigneur et ses convives optèrent pour une échappatoire des plus inattendues : ils se transformèrent en oies sauvages et s’envolèrent vers les étendues sauvages de la lande. Pendant ce temps, les habitants de la garnison, métamorphosés en martin-pêcheur, s’envolèrent vers les étangs, à l’abri des regards indiscrets.
Le thème de la métamorphose des fées en oies évoquait immanquablement la légende enchanteresse des enfants-cygnes et des belles muses qui déposaient leur plumage de cygne pour se baigner, sur les rivages d’Ouessant. On prétendait que si quelqu’un venait à s’emparer de leurs précieuses plumes, elles l’emporteraient avec elles dans leur somptueux palais, suspendu aux nuages par quatre chaînes d’or.
Ainsi, l’histoire de ce château de Pirou plongeait ses racines dans un passé hanté par les sortilèges et les métamorphoses, où les oies sauvages étaient les gardiennes d’un mystère ancestral. Chaque année, lorsque le 1er mars revêtait ses premiers rayons printaniers, les murmures mélancoliques des fées se mêlaient au vent qui balayait les murs du château, laissant présager une magie ensorcelante prête à se dévoiler à ceux qui oseraient s’en approcher.