Dans l’ombre des légendes de Beuvry se dressait, jadis, un château oublié, dont les tours se miraient dans les eaux d’un étang, comme pour se contempler avant leur funeste destin. Ce manoir, entouré d’un mystère aussi dense que les brumes matinales, était gardé par des sentinelles au langage inconnu, barrant la route à toute âme curieuse. On murmurait que le seigneur de ces lieux n’était autre que le diable, orchestrant des orgies insondables qui faisaient frémir le village lors de la veille de Noël. Des rires sardoniques s’entrelaçaient aux plaintes, résonnant jusqu’au tréfonds de la nuit, pour s’éteindre soudainement à la douzième heure.
Or, lors d’une veille de Noël plus funeste que toutes les autres, les cris et les rires redoublèrent d’intensité, volant le sommeil des villageois. À l’aube, un silence de plomb pesait sur Beuvry; le château avait disparu, avalé par l’étang qui n’en reflétait plus que l’absence. Là où autrefois s’élevaient les tourelles, ne restait qu’une fontaine au tourbillon inquiétant, baptisée depuis lors “Fontaine hideuse”.
Les anciens racontent qu’à l’heure où les ombres se fondent dans la nuit de Noël, des échos de l’outre-tombe remontent de la fontaine, mêlant cris et rires dans un concert spectral. Et si vous osez flâner par l’ancienne rue de la Fontaine hideuse, tendez l’oreille; peut-être percevrez-vous les vestiges de ces nuits d’antan.