Dans un petit village niché au cœur d’une vallée oubliée, se tramait un rituel ancestral, enveloppé d’une aura de mystère et de dévotion. Cette pratique, transmise de génération en génération, tissait un lien intime entre les villageois et le ciel capricieux au-dessus de leurs têtes. L’acteur principal de cette épopée céleste n’était autre que Saint-Ernier, le gardien des eaux célestes, dont l’intervention était sollicitée dans les moments de sécheresse accablante.

Imaginez la scène : un jour où le soleil darde ses rayons implacables sur la terre craquelée, une procession s’ébranle, emmenant dans son sillage une foule de fidèles. Au cœur de cette marche dévote, un objet de vénération : le bras de Saint-Ernier, ou plus précisément, un doigt de la relique sainte, détenteur d’un pouvoir mystérieux. Le cortège se dirige vers une fontaine, lieu choisi pour le rituel séculaire. Là, avec une délicatesse empreinte de crainte et de respect, le doigt de la relique est plongé dans l’eau claire, mais attention, pas question de tremper les autres doigts ! Car, selon une croyance ancestrale, un excès d’ardeur pourrait inviter une pluie diluvienne, transformant la bénédiction espérée en un fléau redouté.

Mais la dévotion à Saint-Ernier ne se limitait pas à ce geste. Le lundi de Pentecôte, le village s’éveillait sous le signe d’une ferveur renouvelée. La journée était consacrée à une procession épique, le Grand Tour, qui réunissait les âmes du village dans une marche de foi et d’espérance. Un parcours de plus de 40 km, qui, jusqu’en 1870, se poursuivait même le jour suivant, entrelaçant les destinées humaines avec le divin. Après une messe solennelle à Ceaucé, les reliques étaient portées au Mont Margautin, jusqu’à la Croix-des-Prières, avant de revenir à Ceaucé pour l’assemblée de l’après-midi, La Houline.

Mais ce qui captivait l’imagination et suscitait chuchotements et regards complices, c’était le dicton énigmatique qui clôturait les festivités : “La matinée est à Saint-Ernier, mais la soirée est au Diable”. Une phrase lourde de sous-entendus, qui insufflait au rituel un frisson d’interdit, comme si, une fois la nuit tombée, les forces obscures reprenaient leurs droits, dansant dans l’ombre de la dévotion du jour.

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