À quelques kilomètres de Vannes, dans le Morbihan, se niche le paisible village de Saint-Nolff. Pourtant, derrière ses haies et ses chemins creux, se murmure une légende bien moins tranquille. Une histoire étrange et inquiétante, transmise de bouche à oreille, à propos d’êtres qu’on aurait peut-être préféré ne jamais croiser : les poulpiquets… et leurs cousins tout aussi déroutants, les boléguéans.
Ici, les anciens racontent que les poulpiquets ne sont pas de ceux qu’on invite à la veillée. Ces petits êtres, souvent associés à la forêt et aux pierres levées, semblent jouer avec les nerfs – et parfois même la vie – des malheureux qu’ils croisent. Prenez ce médecin, par exemple. Une nuit, alors qu’il se rendait en toute hâte au chevet d’un malade, il tomba sur une étrange ronde de nains autour d’un menhir. Avant qu’il ne puisse dire un mot, ils l’attrapèrent et le firent tournoyer comme une toupie. Si vite, si fort, que le pauvre homme s’évanouit sur place. Au petit matin, on le retrouva là, seul, les oreilles encore pleines du rire moqueur des créatures.
Mais ce n’était pas un cas isolé. Un laboureur du coin avait accepté un poulpiquet comme domestique. Sauf que celui-ci avait la mauvaise habitude de rentrer à toute heure de la nuit, réveillant sans cesse la servante pour qu’elle lui ouvre la porte. Un soir, excédée, elle lui balança une marmite d’eau bouillante. Mal lui en prit. Le nain ne supporta pas l’affront : il l’étrangla dans son sommeil.
Un autre de ces êtres, engagé comme vacher, avait trouvé réconfort en s’asseyant sur les cendres du foyer de son maître. Un soir, les cendres recouvraient encore des braises. Il s’y brûla sévèrement. De rage, il fit voler la vaisselle, étouffa la cuisinière et réduisit la cheminée en miettes. Rien que ça.
Et ce n’est pas tout. À Saint-Nolff, une rumeur particulièrement troublante circulait : une boléguéanne – créature femelle de ce peuple mystérieux – aurait échangé son enfant avec celui d’une paysanne. Pendant des années, cette dernière s’inquiéta de voir son fils ne jamais grandir. Jusqu’au jour où l’enfant s’exclama, pensant être seul : « J’ai cent ans, et je n’ai jamais vu pareille chose ! » Trop tard, il s’était trahi. On voulut alors s’en débarrasser, mais la boléguéanne apparut juste à temps pour faire l’échange. Le vrai fils fut rendu à sa mère… bien portant malgré quatre ans à ne manger que des racines et du charbon.
Saint-Nolff n’a jamais tout à fait oublié ces histoires. Entre les pierres levées et les chemins perdus, les plus vieux vous le diront : ici, les nains ne sont pas des créatures de contes, mais des présences à prendre au sérieux. Et parfois, la frontière entre folklore et fait divers semble bien mince…