Au cœur du Bourbonnais, la petite commune d’Agonges accueille encore une légende intrigante et mystérieuse qui semble venir d’un autre temps. Bien avant nos jours modernes, entre les champs et les forêts, se dressait une église abritant une Vierge vénérée, sculptée au XIe siècle. Bien que le temps ait voulu la remplacer par une statue plus récente au XIIIe siècle, le destin en décida autrement. Dès le lendemain de l’installation de la nouvelle statue, une scène mystérieuse se produisit.
La Vierge fraîchement installée reposait sur le sol de l’église tandis que l’ancienne avait retrouvé miraculeusement sa place. Dans un accès de colère, le sacristain décida de fouetter cette vieille Notre-Dame, de la cloîtrer sous clef. Peu de temps après, elle disparut comme par enchantement. On la retrouva perchée sur un ormeau à l’entrée du village. Ce lieu devient lui-même un petit mystère. Des marques sanguinolentes maculaient l’écorce de l’ormeau et à son pied jaillit une fontaine formée – racontait-on – des larmes de Marie elle-même.
L’ormeau, désormais sacré, avertissait par sa légende que couper ses branches était un acte funeste, condamnant quiconque s’en rendait coupable à une mort certaine dans l’année. Malgré les efforts pour ramener l’ancienne statue à l’église, le courroux divin semblait se faire ressentir. Non seulement elle disparut de nouveau, mais l’ensemble de la région fut frappé par de malheurs : stérilités des terres, avortements de bétail, et aucune naissance parmi les femmes. Sept longues années de calamités s’abattirent sur la région. Il fallut un berger curieux et courageux pour redécouvrir la statue, cachée dans la forêt, à une vingtaine de kilomètres de là, dans le lieu-dit fascinant de Chazeuil.
On lui édifia une chapelle, Notre-Dame-de-la-Ronde, espérant apaiser les troubles. C’est sur cette colline que les paroissiens d’Agonges prirent l’habitude de méditer, pieds nus et à jeun, espérant la réconciliation. Dès leurs prières exaucées, les malheurs cessèrent comme par magie.
Pendant des siècles, jusqu’à la Révolution, les fidèles d’Agonges cheminèrent pieusement, criant dans le silence du matin leurs regrets et implorant le pardon, marquant chaque pas de leur pèlerinage d’une nouvelle profondeur. Ainsi résonnait, dans le lointain, l’écho des cris : « Fouetteurs de la Bonne Dame ! Fouetteux de la Vierge ! »