Perchée dans les hauteurs sauvages du massif des Vosges, la montagne du Hohneck cache un secret que les randonneurs d’aujourd’hui ignorent souvent. Là-haut, entre les pâturages du Kerbholz et les sentiers de crête, une étrange agitation s’éveillait autrefois, quand le monde des humains se faisait discret.

Les nuits d’été, quand la lune baignait les alpages d’une lumière laiteuse, des silhouettes gracieuses apparaissaient. Des fées, légères comme le vent, dansaient en cercle sur l’herbe tendre, portées par une musique que seuls les anciens prétendent encore entendre. Le Hohneck devenait alors un théâtre de l’invisible, où la nature elle-même retenait son souffle.

Mais c’est à l’automne que les choses devenaient vraiment singulières. Lorsque les marcaires — ces bergers des Hautes-Vosges — descendaient dans la vallée avec leurs troupeaux, leurs fermes du Kerbholz ne restaient pas longtemps vides. Elles étaient rapidement investies par d’étranges habitants… des nains.

Pas les créatures grincheuses qu’on redoute dans certains contes. Ceux du Hohneck étaient connus pour leur gentillesse. Ils prenaient soin des bêtes, les rentraient à l’étable, et surtout… ils fabriquaient du fromage. Pas n’importe lequel : du Munster, d’une qualité exceptionnelle, au point qu’on en disait qu’il surpassait même celui des meilleurs fromagers du coin.

Mais ce n’est pas tout. Ces petits êtres avaient le cœur grand. La nuit, ils descendaient discrètement dans la vallée. Pas pour voler, non. Ils allaient jusqu’aux cabanes des plus pauvres, déposant du pain et du fromage en silence, sans jamais se montrer. Une main tendue dans l’ombre, sans jamais réclamer quoi que ce soit en retour.

Aujourd’hui, plus personne ne les voit. Le fromage du commerce a remplacé celui du Kerbholz. Pourtant, certaines nuits d’été, des promeneurs jurent avoir entendu des rires légers portés par le vent… et senti, fugace, l’odeur d’un Munster d’autrefois.

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