Entre la baie du Scall et celle de la Bonne Vierge, dans les recoins sauvages du Pouliguen, une légende se murmure encore, surtout quand le vent siffle dans les pins et que les vagues frappent les rochers. C’est là, tout près des falaises et des criques discrètes, que se cacherait la grotte des Korrigans, un lieu que les anciens disaient habité par de mystérieux petits êtres aux pouvoirs insoupçonnés.
Ce repaire souterrain, invisible au commun des mortels, abriterait un trésor d’une valeur inestimable. Mais inutile de s’y aventurer à l’aveuglette : l’entrée en est fermée par un sort, et seule une clé magique permet d’en franchir le seuil. Cette clé, bien sûr, personne ne sait exactement où la trouver… sauf peut-être ceux qui ont gagné la confiance des Korrigans.
C’est ce qui arriva à Pierre-Marie Cavalin, un paludier de Batz-sur-Mer, non loin de là. Un soir du XIXe siècle, il accueillit chez lui une vieille femme en quête d’un toit pour la nuit. Généreux, il lui offrit l’hospitalité sans poser de questions. Ce qu’il ignorait, c’est que cette femme n’était autre que la reine des Korrigans. Pour le remercier, elle lui proposa un pacte rare : passer une nuit dans les profondeurs de la grotte et y prendre autant d’or qu’il pouvait porter.
Mais comme dans toutes les histoires où le merveilleux flirte avec le danger, il y avait une condition. Le paludier devait sortir de la grotte avant l’aube. Hélas, fasciné par l’éclat de l’or et grisé par la fortune, Pierre-Marie perdit la notion du temps. Quand le jour se leva, la magie s’évanouit. Le trésor lui glissa entre les doigts… sauf une partie qu’il avait eu le bon sens de cacher à l’avance, sous un menhir, près de la plage de Saint-Michel, à Batz-sur-Mer.
Depuis ce jour, nul n’a réussi à remettre la main sur cette cachette. Le menhir est toujours là, impassible, comme un gardien de pierre. Quant au reste du trésor, il dort peut-être encore sous les galets, entre les racines et les souvenirs.
La reine des Korrigans, touchée par la détresse de Pierre-Marie, ne le laissa pas repartir les mains vides. Elle lui offrit un plat enchanté, qui se remplissait tout seul trois fois par jour. Une consolation magique, certes… mais bien maigre face à la fortune perdue.
Alors, si un jour vous passez par Le Pouliguen ou Batz-sur-Mer, regardez les rochers d’un autre œil, écoutez le vent qui souffle dans les fougères… Qui sait ce que vous pourriez entendre ou même découvrir ?