À quelques kilomètres de Rennes, niché dans les terres bretonnes du département d’Ille-et-Vilaine, le paisible village de Dourdain cache une histoire bien moins tranquille. Là, au XVIIe siècle, se dressait le château du Plessis-Pillet, propriété d’un certain Jehan de Cangé – ou Changé, selon les versions. Jeune seigneur ambitieux mais imprévoyant, il dilapida sa fortune à une vitesse effarante. Criblé de dettes, traqué par ses créanciers, il finit au bord du désespoir. Un soir, alors qu’il s’apprêtait à sauter du haut d’une tour, une silhouette surgit de l’ombre : le Diable en personne.

Lui offrant un marché aussi cruel que tentant, le démon promit quinze années de répit, une montagne d’or et un destrier capable de l’emmener n’importe où. En échange ? Son âme. Jehan, acculé, accepta. Le pacte fut signé dans une meurtrière du château, sur une pierre encore marquée aujourd’hui, dit-on, de trois gouttes de sang issues de la plume du Diable… et du bras tranché de Jehan.

Durant neuf nuits, le seigneur de Cangé, chevauchant son effrayant coursier noir, enfouit ce trésor maudit dans un trou creusé au cœur de la lande de Clairay, non loin du château. Grâce à cette fortune, il vécut fastueusement, festoyant au Plessis-Pillet comme si le temps ne comptait plus.

Mais voilà : les années passent. Et le Diable, lui, n’oublie rien.

La veille du quinzième anniversaire du pacte, Jehan mit le feu à son château, ne laissant debout que le portail et la pierre du pacte. Il fit laver la chemise tachée de son propre sang, celle qu’il portait le soir maudit. Une lavandière fut chargée de la besogne… mais jamais elle ne parvint à faire disparaître ces traces. Pire : encore à la fin du XIXe siècle, certains assuraient entendre, à minuit pile, le bruit régulier du battoir résonner près du vieux lavoir, comme si la lavandière poursuivait sa tâche, prisonnière d’un sort.

Et ce n’est pas tout.

Sur les hauteurs de la lande de Clairay, une étrange empreinte demeure : celle du cheval infernal. L’herbe y refuse de repousser, et les pierres que l’on y pose disparaissent mystérieusement dès la nuit tombée. Quant au trésor… on le dit toujours enfoui là-bas, jalousement gardé par le Diable. Mais attention : quiconque tente de le déterrer se verrait aussitôt pourchassé par Jehan de Cangé lui-même, galopant dans les ténèbres sur sa monture démoniaque.

Alors, si un jour vos pas vous mènent jusqu’à Dourdain, surtout évitez la lande à la tombée du jour… ou préparez-vous à croiser un cavalier que l’on préférerait ne jamais revoir.

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