Au cœur de la Vendée, niché entre les plaines et les bois, le petit village du Bernard cache des secrets que même le temps n’a pas osé effacer. Là-bas, sous les frondaisons paisibles, des pierres millénaires murmurent encore les échos d’un autre monde, peuplé de créatures invisibles à l’œil distrait. On parle de fées, de garous, de farfadets — ou “fradets” comme on les appelle ici — qui avaient choisi ce coin discret comme terrain de rassemblement. Et pas n’importe où : au dolmen de la Pierre Folle du Plessis du Bernard.

Quand minuit sonnait, la nature retenait son souffle. Dans le silence de la nuit, les fradets entamaient une ronde enivrante autour de la pierre levée, entraînant sans pitié tout passant un peu trop curieux — à moins qu’il n’ait eu sur lui quelque objet béni pour se protéger. Autant dire que s’aventurer là sans précaution revenait à flirter avec l’invisible… et le dangereux.

Mais ce n’était pas leur seul domaine. Les mêmes fées et fradets auraient aussi bâti de leurs petites mains le dolmen de la Frébouchère. Celui-là avait une tout autre réputation : il servait de piste de danse, littéralement. On raconte que les jours de noces, les jeunes mariés et leurs invités n’hésitaient pas à grimper sur la dalle pour danser, ivres de joie. Encore au début du XIXe siècle, les jeunes filles y faisaient tournoyer leurs jupes lors des fêtes tandis que les anciens, eux, préféraient se réfugier à l’ombre du dolmen… une bouteille à la main.

Mais voilà, les farfadets, eux, n’aimaient pas qu’on profane ainsi leurs lieux. Leur vengeance ne tarda pas. Une ferme voisine subit leur colère : les bêtes tombèrent malades, les champs perdirent toute valeur, les bâtiments furent démolis. Tout cela entre 1830 et 1835. Une malédiction discrète mais implacable.

Un peu plus loin, au pré de l’Anguiller — qu’on appelle aussi l’Aiguiller — un autre secret dormait sous une pierre. Un trésor, gardé par les fradets, accessible uniquement le dimanche des Rameaux, quand une porte de fer s’ouvrait brièvement. Mais ceux qui s’y aventuraient entendaient soudain un vacarme mystérieux, comme une cloche qui tonne depuis les entrailles de la terre. Paniqués, les bergers se signaient, préférant reculer plutôt que d’affronter ce qu’ils ne comprenaient pas.

Enfin, au dolmen de la Pierre Levée, dans la cour du Breuil, les sorciers eux-mêmes venaient en quête d’un trésor supposé. Mais l’avidité humaine n’a pas de limite : des fouilles non autorisées au XIXe siècle ont fini par faire s’effondrer ce témoin millénaire. Ce qui s’y cachait — s’il y avait quelque chose — est resté muet.

Ainsi va Le Bernard, village de pierres levées, de danses oubliées et de colères surnaturelles. Un endroit où l’on ne pose pas trop de questions… mais où chaque pierre semble connaître une part de vérité.

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