Dans les hauteurs sauvages du vallon d’Escreins, non loin du hameau de Vars-Sainte-Marie, un mystère persiste depuis des générations. Perchée dans les Alpes, au cœur d’un paysage à couper le souffle, la commune de Vars, dans les Hautes-Alpes, abrite une histoire que l’on se transmet encore au coin du feu, entre deux bourrasques de vent de montagne.
On raconte qu’une vieille bergère, silhouette frêle mais tenace, menait chaque jour son troupeau à travers ces étendues rudes et pierreuses. Le problème, c’était l’eau. Pas la moindre source pour abreuver ses bêtes. Le trajet pour en trouver devenait un calvaire, tant pour elle que pour ses chèvres.
Un jour, elle remarqua un drôle de manège : sa chèvre blanche — toujours la même — quittait le troupeau pour se glisser dans un creux de rocher, à l’écart du sentier. Chaque fois, elle en ressortait en bêlant, comme soulagée ou ravie. Intriguée, la bergère décida de la suivre, pas à pas, le souffle court.
Ce qu’elle découvrit dépassait toutes ses attentes : une source limpide jaillissait dans le silence de la roche, comme un secret bien gardé par la montagne. Elle crut à un miracle. C’est là que ses bêtes pourraient enfin boire, là que la nature lui faisait don d’un soulagement inespéré.
Touchée au plus profond d’elle-même, la vieille bergère demanda, avant de mourir, à être enterrée près de cette eau providentielle. On nomma cette source la “Font Sancte” — la fontaine sainte — et les pics qui la surplombent portent encore ce nom, les imposants sommets de la Font-Sancte, qui veillent depuis l’ouest de Vars-Sainte-Marie.
Mais comme souvent dans les récits anciens, une autre version subsiste. Selon certains, la bergère n’était pas une vieille femme, mais une jeune fille au cœur pur, que l’on surnomma bientôt Marie-Samaritaine. Et cette source, jamais elle ne se serait tarie. Elle continuait de couler, fidèle au souvenir de la découverte.
Les habitants de Vars, eux, y voyaient un signe. Lors des longues sécheresses, ils organisaient des processions jusqu’à la source, priant pour que la pluie vienne. Une sorte de pacte silencieux entre la nature et les hommes, scellé par le souvenir d’une bergère et de sa chèvre.
Aujourd’hui encore, dans ce vallon paisible, certains affirment que la fontaine conserve quelque chose de sacré. Et lorsque le vent souffle dans les herbes hautes, on dit qu’on entend le bêlement d’une chèvre blanche… comme un appel venu d’un autre temps.