Sous la terre, personne ne vous entendra crier
Il y a des films qui débarquent sans prévenir, comme une bouffée de poussière dans une galerie mal ventilée. Gueules Noires, c’est exactement ça. Un film venu du fond, dans tous les sens du terme. De ses galeries sombres, humides, suintantes de charbon, il nous extirpe un récit entre l’histoire ouvrière et la série B d’horreur assumée.
Une équipe de mineurs descend dans les profondeurs d’un site du nord de la France, pas pour extraire le charbon cette fois, mais pour escorter un scientifique un peu trop mystérieux… Et très vite, quelque chose se dérègle. Le danger, d’abord vague et distant, devient palpable. L’angoisse monte, à mesure que la lumière baisse et que l’on comprend que sous leurs pieds, il y a plus qu’un simple filon abandonné. Il y a un cercueil. Et ce qu’il renferme n’aurait jamais dû être réveillé.
Disons-le franchement : tant que le monstre reste tapi, le film tient son atmosphère à bout de bras. Ça suinte, ça fume, ça craque de partout. On se croirait dans un croisement improbable entre Germinal, The Descent et un épisode oublié de X-Files. Le cadre minier est exploité à merveille : murs qui suintent, tunnels trop étroits, ombres mouvantes… L’oppression est réelle, presque tactile. L’esthétique générale est soignée, notamment dans son ouverture, presque poétique, avec cette voix off et ces plans qui hument le cinéma d’auteur autant que le cinéma de genre.
Le grand mérite de Gueules Noires, c’est d’oser une horreur à l’ancienne, sans grand renfort de CGI. Le monstre, quand il finit par se montrer, évoque ces créatures animatroniques d’un autre temps. C’est à la fois charmant mais finalement plutôt limitant. Certains diront qu’il fait un peu “en carton”, d’autres — dont je suis — y verront un hommage maladroit mais sincère à un cinéma qu’on ne fait plus. Il y a dans ce choix quelque chose d’artisanal, presque affectueux.
Côté casting, Amir El Kacem et Samuel Le Bihan assurent. Le premier, fragile mais déterminé, incarne un personnage qu’on a envie de suivre. Le second, vieux briscard bourru, campe un contremaître à l’ancienne, dur à cuire mais humain. Autour d’eux, ça fait un peu chair à canon, mais là encore, on est dans les codes du genre.
Alors oui, le film manque parfois d’envergure. On sent que les ambitions sont un peu plus grandes que les moyens, et que certaines scènes auraient mérité un montage plus nerveux, une tension mieux tenue. On est loin du souffle paranoïaque d’un Alien ou de la terreur viscérale d’un The Descent. Mais on s’en fiche un peu, parce que Gueules Noires a autre chose : du cœur. Une envie de bien faire, une sincérité qui transparaît dans chaque plan, chaque grognement du monstre, chaque coup de pioche dans la roche noire.
C’est un film modeste, mais pas timide. Un film qui tente, qui gratte, qui fouille. Et même s’il ne trouve pas toujours l’or noir du genre, il en remonte quelques belles pépites.