Dans le hameau isolé de Kerlédan, une légende respire entre les brins d’herbe et murmure avec le vent. Elle parle de deux menhirs, les seuls survivants d’une collection autrefois vaste, qui se dressent fièrement sur cette terre comme les sentinelles d’un secret ancien. Ces géants de pierre, connus de tous sous les noms de Jean et Jeanne de Prunello, cachent en eux une histoire d’amour figée dans le temps et la roche.
Vous voyez, Jean et Jeanne n’étaient pas toujours de stoïques gardiens de pierre. Autrefois, ils battaient au rythme d’un cœur humain, animés par un amour aussi vif que les flammes d’un feu de joie. Jean, avec son âme de barde, était un homme de mélodies et de mots, dont la vie n’avait de sens que guidée par les cordes de sa lyre. Mais l’amour, cet imprévisible artisan du destin, l’avait conduit vers Jeanne, une femme dont le lignage ne touchait pas les étoiles de la noblesse, mais dont le regard semblait capturer toute la lumière du ciel.
Bien sûr, une telle union était impensable. Le cœur peut souvent nous mener sur des chemins sinueux, là où la logique perd son emprise et où les règles sociétales s’estompent dans l’ombre de la passion. La réaction des druides ne s’est pas fait attendre. Furieux, se sentant trahis par l’audace du couple, ils ont fait appel à des forces sombres et mystérieuses, des sorcières qui ont répondu à leur appel vengeur.
C’est ainsi que nos amants, épris et désormais maudits, ont été privés de leurs étreintes, transformés en menhirs, destinés à ne plus contempler que l’horizon lointain. Pourtant, la légende chuchote un espoir; elle affirme que lors des nuits claires, quand la lune est pleine et que les étoiles clignent en connaissant leur secret, une bonne fée redonne à Jean et Jeanne la douce étreinte de l’autre. Elle les libère de leur prison de pierre, leur offrant quelques précieux instants de bonheur volé.
Mais attention! Les voyageurs imprudents, les âmes égarées qui osent traverser leur chemin lors de ces rencontres divines, connaîtront un sort funeste, écrasés sous le poids de l’amour immortel et du désir longtemps contenu.
Ainsi, les menhirs de Kerlédan se tiennent là, rappelant aux générations que l’amour, aussi impossible qu’il puisse paraître, imprime sa marque aussi durablement que la pierre elle-même. Et dans ce village, lors des soirées où l’air se charge d’électricité et de rêves, on écoute le vent et on sourit doucement, se demandant si Jean et Jeanne, dans leur étreinte éphémère, sourient avec eux.