Dans le mystérieux royaume de Bauçay, une créature énigmatique surnommée la Mantrible hantait les recoins sombres et les marais oubliés. Sa présence suscitait à la fois fascination et terreur parmi les habitants de la région. La Mantrible était une bête étrange, dotée d’un corps semblable à celui d’un écureuil, mais d’une taille dépassant celle d’un chien. Sa vivacité et sa force étaient légendaires, semblables à celles d’un diable, mais son visage délicat était aussi gracieux que celui d’une jeune fille.

La nuit, ses yeux étincelaient telles des lueurs d’insectes, révélant une lueur malicieuse qui faisait frissonner ceux qui la rencontraient. Elle avait pour habitude de fréquenter le lit du Martiel, ainsi que les anciens marécages qui s’étendaient autrefois entre Bauçay et Niré-le-Lolent. Le jour, elle se terrait dans les profondeurs d’un souterrain obscur, non loin de Germier, semblable à une ombre inquiétante.

Le théâtre de ses exploits nocturnes était varié, selon son humeur changeante. Tour à tour, elle se jouait des maraudeurs, des amoureux attardés et des joyeux noctambules des hameaux de Bauçay, Germier, Saint-Mandé, Insay, Vaux, et bien d’autres lieux. Ces insouciants fêtards, qui prolongeaient trop tardivement leurs libations dominicales ou celles des jours de foire dans les tavernes des faubourgs, étaient les cibles privilégiées de la Mantrible.

Malicieusement, elle projetait ses yeux de braise sur les victimes ébahies, créant une illusion déconcertante qui leur faisait voir triple. Dans un élan soudain, elle leur criait aux oreilles, bondissant sur leur échine, provoquant en eux des spasmes de coliques. Elle les poussait vers les fossés, remplis d’orties vénéneuses, ou les entraînait dans les fourrés d’épines acérées, les condamnant à fouler l’herbe perfide de la détourne. Désorientés, perdant leur chemin et revenant dix fois au même endroit, ils ne parvenaient chez eux que le lendemain matin, épuisés et déconcertés.

Cependant, si l’un de ces malheureux blasphémait sous le coup de la colère, la Mantrible, furieuse, surgissait telle une lame effilée, s’emparant de sa gorge pour la vider de son sang. Elle ne laissait derrière elle qu’une coquille vide, avant de retourner se tapir dans son antre pour y sommeiller pendant plusieurs semaines.

Mais lorsque le destin croisait le chemin d’un homme juste devant Dieu et devant les hommes, la Mantrible lui sifflait un air guilleret, empreint de mystère et de promesses insaisissables. L’homme, imprégné de cette mélodie enchanteresse, s’en allait alors, regagnant son foyer avec une nouvelle vitalité, comme si les secrets de l’univers lui avaient été dévoilés.

Ainsi, la légende de la Mantrible se répandait dans les murmures des villageois, ajoutant un frisson de fascination à leurs soirées. Qui était-elle réellement ? D’où venait-elle ? Les histoires se racontaient au coin du feu, alimentant les rumeurs et les suppositions les plus fantastiques.

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